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corrigé d'un sujet de français bac lettre_يوميات مراهق تونسي


 corrigé d'un sujet de français bac lettre

Le sujet




Vous ferez un commentaire composé de ce poème de Charles Baudelaire extrait du recueil Le Spleen de Paris (1869) :
"Le Port
Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir."
Le corrigé
Introduction
Si la postérité a donné à Charles Baudelaire une place primordiale au panthéon des poètes, c’est en grande partie parce qu’on associe à son œuvre l’invention de la poésie moderne. Après la publication des Fleurs du mal en 1857, Baudelaire explore une nouvelle forme poétique : le poème en prose. Le Port est l’un de ces poèmes publiés en 1869 ; cette pièce se présente comme un texte court définissant un port maritime. À la lecture de cette œuvre, on peut se demander en quoi la description de ce lieu est révélatrice de l’état d’âme du poète.
Pour répondre à cette problématique, nous étudierons dans un premier temps les caractéristiques descriptives de ce texte, en analysant les liens entre picturalité et musicalité. Puis nous montrerons en quoi ce port est à la fois une source d’évasion et une source d’inspiration pour le poète. Enfin, il s’agira de mettre en évidence que cette description du port, entre terre et mer, permet de révéler un portrait d’artiste, entre désir et résignation.
Plan détaillé
I – Une description pittoresque
Contrairement aux caractéristiques établies par Aloysius Bertrand, qui concevait le poème en prose comme un texte plutôt narratif, voire anecdotique ("Ainsi j’ai vu, ainsi je raconte"), Le Port de Baudelaire est un texte purement descriptif.
1. Une présentation conçue à la manière d'un dictionnaire
- Cf. la tournure de la 1re phrase.
- Des articles indéfinis ("un port", "un séjour", "une âme").
- Le verbe être au présent de vérité générale ("Un port est un séjour charmant" + "[…] sont un prisme").
- Lexique caractéristique du port de plaisance : éléments "techniques" ; lexique spécialiste renvoyant à une réalité portuaire concrète : phares, navires, gréement, môle, belvédère ; mais aussi lexique du loisir : charmant – plaisir.
2. Une marine
Baudelaire, éminent critique d'art, décrit ce port imaginaire comme il décrirait une marine, en insistant sur les lignes et sur l’architecture : formes élancées des navires, verticalité des phares et horizontalité de leurs scintillements, colorations changeantes de la mer. Le port apparaît comme un lieu idéal pour l’artiste, entre l'ampleur du ciel (+ nuages) et la mer miroitante.
3. Un tableau sonore
- La vue n’est pas le seul sens que sollicite le port : la prose poétique de Baudelaire cherche à nous sensibiliser à une certaine musicalité.
- Présence d'allitérations : prisme […] propre à amuser les yeux.
- Allitération [k] et assonances [ou] : contempler couché […] ou accoudé.
- Liens sonores entre "les lasser" suivi de "élancées".
- Triple répétition rythmant la fin du poème : "de ceux qui […] de ceux qui […] de ceux qui".
Transition : le port ainsi décrit par Baudelaire n’est cependant rattaché à aucun lieu géographique connu ; il s’agit donc d’un port imaginaire, d'un espace créé par le poète et répondant aux aspirations de son âme.
II – Le port, source d'évasion pour l’artiste en mal d'inspiration
En caractérisant un port abstrait issu de son imagination, Baudelaire invite le lecteur à entrer dans son univers poétique.
1. Le port, source d'inspiration : lieu de contemplation
- Lexique du regard : "amuser les yeux", contempler.
- Effets de lumière et de reflets : "colorations changeantes", "scintillements des phares".
- Effet d'optique : transformation du regard à travers "un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser".
- Idéal baudelairien du regard transformé par un prisme (cf. Les Fenêtres, Le Mauvais vitrier, par exemple).
2. Le port, source d'inspiration : lieu de mouvement
- "Architecture mobile des nuages" + "colorations changeantes de la mer" + "oscillations harmonieuses" entretiennent le goût du rythme et de la beauté.
- Effets rythmiques évoquant le flux et le reflux de la mer. Dans la 2e phrase : rythme binaire de l'énumération ; l'asyndète renforce cette impression. Même impression avec l'expression : "ceux qui partent" (flux) et "ceux qui reviennent" (reflux).
Transition : on a ainsi montré que les caractéristiques mises en avant par le poète définissent un cadre idéal, propice à éveiller l’inspiration créatrice. Or, perçus en creux, ces éléments révèlent également un certain malaise, fait de solitude et de résignation.
III. Le poète, un être en marge, entre terre et mer
Même si ce n’est pas explicite, l’âme évoquée à deux reprises par Baudelaire dans ce poème définit implicitement celui qui a si diversement exprimé sa "fatigu[e] des luttes de la vie".
1. Un esthète marginal
- Évocation d’un plaisir "mystérieux et aristocratique" à contempler le port = caractéristique du voyant à qui il est donné de voir ce que les profanes ne peuvent percevoir, ni comprendre.
- Se distingue par sa singularité (cf. le jeu du singulier au pluriel dans les pronoms démonstratifs : "celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition" se distingue de "ceux qui partent", reviennent, et se distingue surtout de "ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir").
2. Un artiste en proie au spleen
- Vision pessimiste (cf. négations) : même si elle évoque une certaine alchimie ("merveilleusement", "mystérieux") qui rend la création possible (l'existence de ce poème l'atteste !), il en ressort que le poète ne fait pas partie du voyage, que lui n'a plus le désir de voyager ou de s'enrichir.
- Le port est une métaphore de cette ouverture vers un ailleurs fécond qui permettrait de s'enrichir, mais le poète reste "couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle", il reste à terre, contrairement à ceux qui partent.
Conclusion
Espace emblématique de la poésie baudelairienne, le port représente aux yeux de l’artiste le point de rencontre – entre fixité et mobilité – des éléments propres à éveiller l’inspiration : la mer, le ciel, la terre. Dans cette pièce, le poète décrit un port idéal concrétisé par des références connues du lecteur, mais surtout par la musicalité de sa prose poétique.
Dans ce paysage musical et pictural apparaît un être à part : observateur immobile du flux des voyageur, il semble aux yeux du lecteur initié correspondre à Baudelaire lui-même. C’est ainsi qu’à la perception de cette marine chatoyante se joint la reconnaissance plus subtile d’un autoportrait du poète, isolé et abîmé par ses luttes, diminué par le spleen, mais toujours créateur.
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